Time Out : un trop bon concept peut-il nuire à un film ?
Sorti hier sur nos écrans, Time Out, le nouveau film d'Andrew Niccol, offre un pitch particulièrement alléchant. Le concept est assez simple : « Et si le temps de vie remplaçait l'argent ? ». Malheureusement le film est loin de combler nos attentes. Alors, un concept de départ trop fort peut-il être nuisible ?
Time Out prend place dans un futur proche. Dans ce monde, l'homme arrête de vieillir le jour de ses 25 ans et voit un compteur apparaître sur son bras, commençant à décompter les dernières secondes, minutes, heures, jours, mois (et années pour les plus riches) de sa vie. Dès lors il faut travailler pour gagner son temps de vie qui sert également à payer le loyer, les factures et les trajets de bus. Génial non ?
Pour dramatiser tout ça, le film se concentre sur les aventures d'un pauvre garçon vivant au jour le jour (Justin Timberlake) qui se retrouve brutalement en possession de plusieurs siècles de vie. Le bougre se met alors à faire du social en distribuant autour de lui et bouleverse ainsi le système en place. Arrivé dans les strates les plus hautes et opulentes de la ville, il va tomber amoureux d'une riche bourgeoise (Amanda Seyfried) et l'entraîner dans une course effrénée pour la justice et la liberté.
Le high concept à tout prix
Time Out repose sur un High concept. Ce terme anglais désigne les films qui se vendent sur un one-line pitch, donc une phrase, voire un simple titre, qui révèle l'enjeu intégral du film. Dans les exemples les plus extrêmes on trouve ainsi The Invention of Lying, Speed ou encore Le Jour d'après. Dans ces films, le concept est total et l'intrigue ne repose que sur ce postulat de départ. Dans Buried, par exemple, le pacte signifié par le titre et honoré par le film est bien de passer 1h30 intégralement dans un cercueil.
Le high concept peut se résumer à une mécanique simple : une question commençant par : « Et si... ». Et si un homme pouvait entendre ce que pensent les femmes ? Et si on voyait les morts ? Et si la Terre s'arrêtait de tourner ? Dès leurs enjeux dévoilés ces films laissent entrevoir aux producteurs les piles de dollars, mais aussi et surtout, aux spectateurs le potentiel de divertissement que les scénaristes et réalisateurs auront à exploiter avec plus ou moins de réussite. Gageons que le premier réalisateur venu n'aurait pas répondu avec autant de talent que Spielberg a une question du type : Et si l'on pouvait faire revenir les dinosaures ?
Un toit de voiture pas très costaud extrait de Jurassic Park
Si Hollywood aime particulièrement ce type de films, c'est parce qu'ils sont faciles à vendre, et ce à toutes les étapes du développement. C'est de cette tendance du concept à tout prix que se moque Des serpents dans l'avion, un film dont on ne vous fera pas l'affront de vous détailler le sujet...
Quand le spectateur va plus vite que le film
Le risque d'un tros bon concept est d'être sous-exploité. En effet, l'imagination du spectateur lancée dès les premières secondes de la bande-annonce n'est pas toujours facile à rattraper quand on fait un film à concept. L'enjeu essentiel pour les auteurs est de concevoir des situations dramatiques auxquelles le spectateur n'aurait pas forcément pensé tout de suite. Un film à concept doit regorger de richesses déroulant à l'infini la bonne idée de départ. C'est notamment la spécialité des Studios Pixar qui battissent des univers fourmillants de petits détails déclinés à partir du concept initial.
Dans Time Out, c'est avant tout la pauvreté de ces déclinaisons qui déçoit. Certes on trouve très vite quelques bonnes idées : les personnages payent leur café en passant le bras sous un laser, se disent « t'as pas deux minutes ? » ou se déplacent en courant pour ne pas perdre de temps... Malheureusement ces quelques idées sont trop rares, et, triste aveu de faiblesse, sont répétées tout au long du film. Exemple caractéristique, on découvre dans la première scène du film que la charmante Olivia Wilde est, malgré sa jeunesse apparente, la mère de Justin Timberlake. Le "gag", marrant la première fois, sera reproduit plusieurs fois dans le film :
Confusing times extrait de Time Out
Doutant peut-être de son public, Time Out est exagérément didactique et passe son temps à rabâcher et piétiner un monde que l'on a parfaitement compris dès les premières minutes. C'est certainement l'un des principaux travers du film à concept. Alors que l'intérêt réside justement dans la simplicité de l'idée initiale, le risque est de consacrer trop de temps sur l'explication du concept lui-même et de perdre de vue le champ des possibles qu'il avait ouvert.
Les bons films à concept ne s'étendent pas sur l'idée de départ, mais exploitent au maximum tout ce qu'elle permet. Ainsi dans L'Amour extra large, Jack Black voit, après intervention d'un gourou, la beauté intérieure des gens. Si le pourquoi du comment a peu d'intérêt, c'est l'enchaînement de gags permis par ce paradigme singulier qui fait l'intérêt du film. De même, Source Code, même s'il laisse apparaître quelques lacunes, joue uniquement de son concept : l'exploration du passé dans la mémoire d'un homme. Et comme le dit Vera Farmiga : « Chaque minutes passées à expliquer le pourquoi est une perte de temps ». Voilà comment on s'en sort !
This make no sense extrait de Source Code
Le pitch peut-il être meilleur que le film ?
Quand l'imagination du spectateur rattrape ou dépasse celle des auteurs, on peut considérer qu'un film à concept est raté. Et ce n'est pas si rare, à tel point que ces films très prometteurs sont souvent les plus décevants. Pour faire le test, nous avons listé quelques pitchs marquants tenant en une phrase et les films auxquels ils ont donné lieu. Saurez-vous les reconnaître ? Les aviez-vous trouvé à la hauteur de leurs promesses ? Pourriez-vous en citer d'autre ?
Oh je suis tellement excité par ce jeu.