Morse : du sang neuf au pays des vampires
Alors qu'Underworld, quatrième du nom (de Måns Mårlind et Björn Stein), s'apprête à sortir sur nos écrans (le 8 février), le vampire poursuit son bonhomme de chemin au cinéma pour le meilleur et pour le pire.
Depuis Méliès, les cinéastes ont enchaîné les adaptations du mythe, que ce soit de façon plus ou moins fidèle au récit initial de Bram Stoker (Murnau, Browning ou Coppola par exemple), en modernisant et réécrivant l'histoire (Fright Night de Tom Holland ou Entretien avec un Vampire de Neil Jordan) ou encore en transformant le Nosferatu en une saga New Age (Blade, Underworld voire Twilight). La question se pose alors de savoir comment faire du neuf avec du vieux, comment continuer d'exploiter un mythe aussi riche sans le dépecer entièrement. Plusieurs réalisateurs ont su s'emparer de la thématique vampirique tout en détournant les codes et en y ajoutant des éléments plus personnels (Martin de Romero, Rage de Cronenberg ou encore Thirst de Park Chan-wook).
Cours avant que le loup ne t'attrape extrait de Thirst, ceci est mon sang
L'anéantissement du folklore
Le film de Tomas Alfredson, Morse, sorti en 2008, s'est vite hissé au rang des chefs-d'oeuvre du genre, devenant par la même occasion un modèle de réussite dans la tentative d'actualiser un mythe aussi éculé. Dans Morse, le spectateur retrouve les crocs, le sang, le soleil incandescent, la pulsion de mort ou encore l'impossibilité d'entrer chez une personne sans son aval. Il aurait ainsi de quoi se sentir coutumier du film qu'il découvre, or rien n'est vraiment ce qu'il paraît. Le réalisateur se concentre davantage sur la relation entre les deux enfants que sur le folklore vampirique. Un enfant vampire ? Voilà qui n'est pas non plus nouveau. On peut songer à Entretien avec un vampire ou certains films comme Les Vampires de Salem ou Le Petit vampire (Uli Edel) qui font appel à un enfant vampire, pourtant Morse se distingue en faisant primer les enjeux de l'enfance sur le récit vampirique.
Intimité extrait de Morse
L'apprentissage de la singularité
La cruauté véritable du film provient du harcèlement que subit le jeune héros de la part d'une petite bande de gamins. La relation entre les enfants se construit progressivement entre deux mondes féroces, d'un côté l'enfance, de l'autre le vampire. Chacun parvient à faire abstraction de ces univers violents pour s'unir dans un pur amour. Morse n'est cependant pas qu'une simple romance à la Twilight. Tomas Alfredson élabore tour à tour un amour romantique, un récit initiatique autour du personnage d'Oskar ainsi qu'un conte fantastique. Et comme cela ne suffit pas au cinéaste, il met en scène son long-métrage avec un travail minutieux et magnifique porté à l'image. La photographie du film devient un écrin pour l'histoire, tandis que le réalisateur s'efforce d'éviter tout sensationnalisme. A l'exception d'une ou deux séquences plus horrifiques, jamais Morse ne tombe dans l'excès sanguinaire ou la surenchère affective mélodramatique. Tomas Alfredson préfère donner l'opportunité au spectateur de s'investir dans l'intrigue plutôt que de lui servir une trame facile à ingurgiter. La force et l'originalité de Morse tient ainsi à ces choix de réalisation surprenants dans le genre. Le film prend son temps, laisse s'installer une atmosphère envoûtante qui subjugue et permet d'autant mieux tisser une toile narrative riche de sens.
Dis ? Tu m'aimes ? extrait de Laisse-moi entrer
A la mode de 2012
Morse a connu l'honneur d'un remake par Matt Reeves (Laisse-moi entrer) qui prenait en efficacité ce qu'il perdait en virtuosité. Honnête, Laisse-moi entrer peine cependant à dépasser son ainé et confirme que l'histoire ne fait pas tout quand le talent du réalisateur ne suit pas. Les films de vampire ne sont pas prêts de disparaître de nos écrans. Pour 2012, sont prévus notamment Dark Shadows de Tim Burton, Twilight dernier volet, Abraham Lincoln: Vampire Hunter, Byzantium de Neil Jordan, Stoker de Park Chan-wook ou encore un remake de Buffy contre les vampires. Morse servira-t-il de leçon à ces différents longs-métrages, lui-même ayant apporté au genre un réel sang neuf ? Pour le découvrir il faudra se rendre dans les salles obscures. En attendant, il est toujours possible de voir ou revoir les classiques du genre, dont fait sans conteste partie Morse.
Projection de Morse le 2 février au Studio des Ursulines
L'occasion est donc trop belle pour rater la projection exclusive de Morse, ce jeudi 2 février au Studio des Ursulines, dans le cadre du ciné-club des Couleurs de la Toile. Tous les détails de l'événement se trouvent sur la page Facebook qui lui est dédiée.