On ne lui parlera plus avec des mots et elle ne nous regardera plus avec des sentiments : Anna Karina est morte ce dimanche 15 décembre, à soixante-dix-neuf ans, des suites d'un cancer. La fin de sa ligne de chance, qui l'avait portée du royaume du Danemark – où tout n'était pas si pourri – jusque dans les bras du cinéma français, de Rohmer d'abord, à son futur compagnon Jean-Luc Godard, avec qui elle a réenchanté le monde six fois (Une femme est une femme, Vivre sa vie, Le Petit Soldat, Bande à part, Alphaville, Pierrot le fou), en passant plus tard chez Rivette (La Religieuse), Visconti (L'Étranger) ou Fassbinder (Roulette chinoise) et derrière la caméra, aussi (Vivre ensemble, Victoria). Comme toutes les muses de l'époque (Bardot, Deneuve, Adjani, Birkin), elle aura son tour de chant avec Serge Gainsbourg, le temps de quelques morceaux éclatants ("Ne dis rien", "Sous le soleil exactement") tirés de la bande originale du téléfilm Anna, en 1967. Éternelle Colombine aux yeux cernés de noir, tour à tour scrutateurs, rieurs ou embués de larmes, toute la mémoire du cinéma s'y reflétait. Et les vagues, aussi. Des vagues qui, effrontément, n'en finissent pas de mourir ; et pour cette raison, elles resteront toujours nouvelles.
Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Adieu Anna Karina