C’est désormais officiel : Netflix se lance dans le cinéma de patrimoine. Toujours à la recherche de légitimité artistique, le géant américain annonce qu’il diffusera une partie du catalogue de MK2, la maison de production et de distribution française. Il faut dire que la plateforme avait sans doute besoin d’un bon coup de... vieux : sur 2500 oeuvres recensées par Just Watch, 80% d’entre elles ont moins de dix ans. Pire : pour la période couvrant 1895 (naissance du cinéma) à 1980, on ne trouvait jusqu’à présent que... 27 films (essentiellement de propagande et deux vieux Astérix...). Dès vendredi, il sera donc possible de redécouvrir douze classiques de François Truffaut (Les 400 coups, Baisers volés...) puis, plus tard, les chefs-d’oeuvre de Demy, Chaplin, Lynch, Resnais, etc. Une belle occasion de pousser un public habitué aux oeuvres américaines récentes vers le cinéma d’auteur hexagonal et de patrimoine international. C’est aussi une opportunité pour les petits budgets, qui n’auront plus à choisir entre Kieslowski et Breaking Bad... Ajoutons enfin que l’exclusivité des oeuvres, conjuguée à la surmultiplication des plateformes fait peut-être courir un danger à beaucoup d’entre-elles : voilà peut-être une occasion d’en stabiliser l’offre. L’inverse a cependant de quoi inquiéter : une concentration trop forte de contenus chez un seul diffuseur, à l’instar de Disney au cinéma (qui a réalisé à lui seul plus du tiers des entrées totales sur le sol américain l’année dernière) pourrait marginaliser davantage les petites plateformes indépendantes (Mubi, FilmoTV, LaCinetek…) et, in fine, la survie des oeuvres elles-mêmes. C’est un équilibre précaire à trouver. Reste que l’ambition de Netflix, dont la logique consiste surtout à diversifier un catalogue parfois qualifié de monolithique, n’est certainement pas de truster l’ensemble du cinéma de patrimoine ; ses spectateurs n’en constituent sans doute pas la cible : rappelons que le partenariat conclu entre les deux plateformes ne porte pour l’instant que sur une cinquantaine de films. Une raison de ne pas trop s’inquiéter, en gardant toutefois les yeux grands ouverts.