Retour sur l'ultime édition de la Nuit Excentrique
Cela fait 10 ans. 10 ans que Braddock met les pieds où il veut, et c’est souvent à la Nuit Excentrique. Événement organisé à l’origine comme une cérémonie d’adieu à l’ancienne Cinémathèque Française qui se tenait au Palais de Chaillot, la Nuit Excentrique a finalement lieu chaque année dans la salle Henri Langlois de la Cinémathèque à Bercy et présente systématiquement en ouverture ce cultissime extrait de Portés Disparus III. Cette nuit d’amour au cinéma bis a tenu samedi dernier sa dixième et ultime édition, souhaitant s’arrêter en beauté et éviter de faire l’année de trop. Retour sur cet évènement incontournable des amateurs de nanars en tous genres.
Un coup d'oeil rapide sur le programme de la Nuit Excentrique, qui diffuse « seulement » quatre films par nuit depuis sa création, pourrait laisser croire que le sujet n'est abordé que superficiellement. C’est sans compter sur les longs cuts excentriques présentés chaque année par l’équipe de Nanarland précédant chaque projection ainsi que les bandes-annonces retrouvées dans les coins les plus obscurs de la cinémathèque. Au delà des films, c’est avant tout des extraits hallucinants que l’on vient découvrir à la Nuit Excentrique, parfois impossible à décrire et dépassant l’imagination - et le bon goût.
Crédit photo : Nanarland
Le public au coeur de l'événement
Une fois ce décor planté, c'est grâce au public que ces évènements sont devenus incontournables : les habitués et fervents membres du forum Nanarland peuplent ces nuits et apportent à ces séances une ambiance de déconne indispensable pour tenir toute la nuit. On rit aux éclats, on balance des vannes à la pelle et les private jokes pleuvent. Une année peut être portée par les imitations du rire abruti des Barbarians, le souffle absurde de Stuart Smith faisant des pompes ou encore par une ola à chaque passage de voiture dans Les Orgies de Frankenstein 80. Voir de tels films seul ne présente qu’un intérêt minime face au comportement du public qui constitue l’essence même de ces séances. Les Nuits Excentriques fonctionnent grâce à un public prêt à tout, impatient d’en découdre avec les navets les plus redoutables. Ce n’est pas pour rien que les places - plus de 400 - se vendent chaque année en un éclair. L’expérience est avant tout collective, le film passe au second plan. L’ultime film de la Nuit Excentrique, Black Ninja, avait beau être amputé de plusieurs séquences, cela renforçait l’expérience inédite à laquelle le public assistait.
Le public de la 10ème Nuit Excentrique
Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque Française fait office de maître de cérémonie et est une figure incontournable des Nuits Excentriques. Sélectionnant chaque film et chaque bande-annonce projetée durant la nuit, Rauger montre son amour pour le cinéma bis avec une auto-dérision dévastatrice. L’implication de la Cinémathèque Française pour l’événement est d’ailleurs exceptionnelle : on se souvient en 2012 de la projection du Sadique à la Tronçonneuse avec une copie restaurée importée de la Cinémathèque de Madrid, ce à quoi Rauger ajoutera : « comme quoi il n’y a pas qu’en France que l’on fait n’importe quoi avec l’argent du contribuable. »
Une dixième édition haute en couleurs
Que faudra t-il retenir de cette ultime édition ? Des ninjas d’outre-tombe au service de moines psychopathes à un Frankenstein sous acide en passant par une comédie française des années 70 remontée avec des extraits de films pornographiques, il y en avait pour tous les goûts, surtout les plus douteux. Il faut dire qu'au cours des quatre éditions auxquelles j’ai eu la chance d’assister, les longs-métrages diffusés présentaient en vrac un match de foot France - Allemagne en conclusion de la seconde guerre mondiale, des vagins explosifs, un faux documentaire italien sur la perversion de la société suédoise comme le parcours d’une brigade belge mysogine spécialisée dans les crimes sexuels.
La Nuit Excentrique présente avant tout des productions hallucinées du cinéma bis du siècle dernier tout en n’oubliant pas d’honorer les nanars modernes comme Sharknado ou La Vengeance. Et il faut avouer que l’on retrouve une certaine émotion en découvrant en format d’origine les extraits les plus cultes du site Nanarland comme le sublime envol de L’homme puma.
Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque Française, entouré de l'équipe du site Nanarland.
L'Adieu au nanar
Dimanche, 8h30. Après une conclusion sous la forme du traditionnel montage de bande-annonces X, la nuit touche à sa fin. Les derniers survivants de cette ultime Nuit Excentrique se rassemblent pour un débrifing autour d’un café et des croissants. Que venons-nous de vivre ? La der des der des célébrations du cinéma bis au sein du temple du 7ème art, ultime déclaration d’amour de la Cinémathèque Française à la communauté nanar.
Heureusement pour nous, ce n’est pas pour autant la fin de ce type de manifestations. L’équipe de Nanarland sévit aussi aux quatre coins de la France, proposant La Nuit Hallucinée à Lyon et Les Soirées Nanarland de Caen sans oublier les rendez-vous bimensuels du collectif parisien Pas de Pitié pour les Navets. Et si vous tenez par dessus tout à voir les nanars les plus obscurs en salle Henri Langlois, un double programme de cinéma bis est présenté un vendredi sur deux à la Cinémathèque Française, le tout sous la houlette de l’irremplaçable Jean-François Rauger. Le nanar en salle a encore de beaux jours devant lui.
https://www.youtube.com/watch?v=JAQJB00tX3s