Le plan foireux du jour

Akira US : le naufrage

Actualité | Par Julien Di Giacomo | Le 27 mai 2011 à 17h06

Le projet de Warner Bros d'adapter le cultissime Akira piétine depuis déjà plus d'un an? Dernier rebondissement en date : Albert Hughes, le réalisateur attaché au film, vient de démissionner. Retour sur le pourquoi/comment d'un fiasco.

The thing that should not be
Les fans de manga ou d'animation japonaise sont en général assez tatillons lorsque leurs oeuvres favorites sont récupérées par des studios occidentaux. Même l'adaptation de Cowboy Bebop (avec Keanu Reeves dans le rôle principal) s'était heurtée à une levée de boucliers, alors que la série de Shinichiro Watanabe est profondément marquée par les influences de la culture américaine.

La vraie difficulté de l'adaptation d'oeuvres japonaises (et, de manière générale, asiatiques) par les studios US est que, en dépit de la mondialisation économique et culturelle, les sociétés occidentales et orientales restent profondément différentes en termes de valeurs et de modes de vie. La Warner fait donc face à une réticence instantanée des fans, mais ses décisions propres n'arrangent pas son cas?

Trop violent et trop cher
Tout d'abord, et ce point-ci a été annoncé très tôt, la grosse machine américaine veut faire de son Akira un film PG13 (« déconseillé » aux moins de 13 ans), ce qui correspond, par exemple, à la classification de Pirates des Caraïbes. Si vous avez lu Akira, vous comprenez déjà que le projet est très mal engagé.

Le manga de Katsuhiro Otomo est en effet une oeuvre brutale, violente et gore. On y voit des adolescents massacrés à coup de chaines, des corps qui explosent, des membres arrachés. Pis : les personnages principaux ont à peine une quinzaine d'année et se droguent allègrement. On sait à quel point la censure américaine est regardante sur ce genre de sujet?

On se trouve alors face à une contradiction, puisque cette classification family-friendly résulte avant tout d'un impératif économique de rentabilité. Se priver du public de moins de 17 ans revient pour la Warner à perdre beaucoup d'argent, alors même qu'il leur faut lever un budget énorme pour recréer l'univers cyberpunk ultra-technologique au sein duquel l'intrigue prend place.

Katsuhiro Otomo a adapté lui-même son manga en 1988 :


Neo-Tokyo by night extrait de Akira

Casting en eaux troubles
Depuis 2010, c'est Albert Hughes (co-réalisateur du Livre d'Eli avec son frère Allan) qui était attaché au projet. Chacune de ses interviews concernant Akira était un grand moment de désespoir tant il semblait peu motivé. Il n'était visiblement pas un grand amateur de l'oeuvre originale, puisqu'on a pu l'entendre déclarer « Il faut que je simplifie tout ça pour le public, on ne peut pas lui proposer quelque chose d'aussi complexe. » Son départ n'est donc peut-être pas une si grande perte.

Le premier script de cette adaptation est écrit par le scénariste du Livre d'Eli, qui américanise l'histoire autant qu'il le peut, en déplaçant l'intrigue de Tokyo à Manhattan et en renommant un des personnages principaux pour que son nom sonne moins étranger. Tetsuo, un des personnages principaux, devient donc? « Travis ». *Soupir désespéré, facepalm, etc.* Le script a depuis été repris par Steven Kloves, auteur des adaptations d'Harry Potter.

Indéniablement, le pire moment d'effroi que nous a offert la Warner fut l'annonce du casting. La recherche d'un acteur susceptible de jouer Kaneda, le personnage principal (car non, Akira n'est pas le personnage principal d'Akira), relevait du grand-guignol le plus absurde. Le rôle de cet adolescent de 15 ans a été proposé à Zac Efron, Justin Timberlake, James Franco, Joseph Gordon-Levitt, Garrett Hedlund, Chris Pine, mais aussi Michael Fassbender, Joaquin Phoenix et Keanu Reeves, pourtant bien trop âgés pour être crédibles.

Un avenir incertain
Cette liste disparate pourrait presque faire croire que les exécutifs de la Warner n'ont même pas lu l'oeuvre qu'ils tentent d'adapter. S'ils l'avaient lue, ils se seraient rendus compte que l'inadéquation entre sa radicalité et le budget nécessaire pour donner vie à la saga rendent sa transposition économiquement impossible.

De toute manière, le film d'animation de 1988 avait été un échec commercial aux USA, rapportant à peine un demi-million de dollars (cent fois moins qu'au Japon, tiens donc) ; on se demande bien d'où sort ce projet, en premier lieu. Depuis quand les majors du cinéma adaptent-elles des échecs ? La Warner s'est déclarée décidée à lancer le tournage cet été? Sans acteur et sans réalisateur, on voit mal comment ils pourraient y parvenir.

Ci-dessous, les joies de l'adaptation américaine d'oeuvres japonaises. Un exemple qui vaut mieux qu'un long discours.


Une chance sur deux extrait de Dragonball Evolution

MISE A JOUR (15/07/11) : C'est le réalisateur espagnol Jaume Collet-Serra qui vient d'hériter du bébé difforme de la Warner. La société de production est disposée à accorder au film un budget de "seulement" 90 millions de dollars, une somme qui semble un peu faible pour retranscrire correctement l'univers visuel du manga et de l'anime culte de Katsuhiro Otomo. Collet-Serra saura-t-il s'accommoder de cette contrainte ? Parviendra-t-il à être à la hauteur ? Après tout, il est le réalisateur de La Maison de Cire, avec Paris Hilton, de Goal II et du dispensable Sans identité... Bien qu'on ne soit jamais à l'abri d'une bonne surprise, les fans d'Akira regrettent déjà que le projet revienne à la vie, et on entamé la reprise de leur deuil.

MISE A JOUR (24/10/11) : La semaine dernière, la Warner a annoncé qu'elle avait finalement proposé le rôle-titre du film à Garrett Hedlund, dont on avait déjà pu admirer les talents dans Tron Legacy. Aujourd'hui même, on découvre que des rôles secondaires ont été offerts à Gary Oldman et Helena Bonham-Carter, sans que leur réponse soit connue.

Sources : Filmonic, Deadline, Total Film, ScreenRant, Twitch

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