Satisfaction communauté
60%
Ce qu'en pense la communauté
- 60%
- 25 notes
- 12 veulent le voir
Micro-critique star (PharaonDeWinter) :
PharaonDeWinter
(à propos de Bird)
“ Au lieu d'être une ligne de fuite, le fantastique s'ajoute à un tableau misérabiliste déjà chargé, replâtré de multiples motifs merveilleux. ”
— PharaonDeWinter
5 juin 2024
-
PharaonDeWinter(à propos de Bird)“ Au lieu d'être une ligne de fuite, le fantastique s'ajoute à un tableau misérabiliste déjà chargé, replâtré de multiples motifs merveilleux. ” — PharaonDeWinter 5 juin 2024
-
SpectateurLambda(à propos de Bird)“ Quand les adultes font montre de plus d'immaturité que les enfants. Fais comme l'oiseau. ” — SpectateurLambda il y a 6 heures
-
Piwi(à propos de Bird)“ Bird fonctionne par scènettes comme un jukebox, et l’ensemble manque d’inventivité avec son symbolisme appuyé & son actrice pas à la hauteur ” — Piwi 26 mai 2024
Andrea ARNOLD que l'on présente comme l'héritière féminine du cinéma social britannique à la Ken LOACH reste, en dépit d'un début de carrière salué par la critique et le festival de Cannes, une cinéaste encore ignorée du public. Or si pour ma part, c'est avec ce film que je découvre son cinéma, j'ai désormais très envie d'une part de rattraper ses précédents films, mais surtout tenter de vous inciter à aller voir Bird (2024), dont la sortie nationale est annoncée pour le premier janvier 2025. Entamer l'année cinéphile ainsi promet une année passionnante et personnellement conclure mon année cinéma 2024, grâce à cette avant première organisée par le réseau des cinémas Lumière de Lyon me fait terminer l'année sur un véritable petit coup de cœur.
La réputation d'une autrice du cinéma social, souvent commentée comme s'inscrivant dans l'école du néo-libéralisme, à savoir un cinéma plus gris que la vie qui pour nous raconter les destins empêchés de personnages entravés par le déterminisme social le plus sombre et misérable, se croit obliger de laisser l'esthétique, la mise en scène et la photographie aux vestiaires pour faire vrai, pour coller à l'ambiance. De même que le synopsis du film, une adolescente vivant avec son frère et son père dans un squat du Kent, région rurale et déshérité anglaise, pouvait aussi laisser à penser qu'on serait face à un film misérabiliste, dressant le portrait d'une société gangrenée par le chômage, la violence, les problèmes de drogues et d'alcools. Honnêtement, si les autres films à l'affiche avaient été autres, je passais mon tour. Sans être totalement absent du projet, la part drame social est ici traitée avec une approche dénuée de tragédie, mais plutôt comme une comédie. Noire et cruelle, mais certainement pas pleurnicharde.
A dire vrai, je sors de la séance enchanté par la proposition qui m'a été faite. Oui le film fait le récit d'une adolescente confrontée à des réalités inhérentes à son milieu social qui sont dures, oui l'environnement où elle évolue, grandit n'est pas le plus enviable. Entre un père immature dont l'ambition pour faire du fric est toute entière placée dans les revenus qu'il pourra générer de la vente d'une drogue hallucinogène produite par la bave d'un crapaud. Un père uniquement concerné par son futur mariage avec sa nouvelle copine, mariage dont il prévient ses enfants qu'à une semaine de la date. Une mère démissionnaire qui multiplie les compagnons avec comme fil rouge de choisir systématiquement la lie de l'humanité, un demi-frère impliqué dans des histoires louches.
Bailey a douze ans mais déjà la maturité d'une femme guère épargnée par la vie et contrainte pour sa survie d'avoir cette maturité qui fait apparemment défaut chez les adultes qui l'entourent mais obligée aussi d'afficher une colère sourde, à la fois intérieure et très expressive, son armure face aux dangers du monde.
Andrea ARNOLD pose cependant sur cet univers un regard d'une immense tendresse, un regard qui n'est jamais en surplomb comme peut l'être parfois ce cinéma qui tient dès lors vite du reportage anthropologiste, de l'étude sociologique, elle fait un film de cinéma et sa mise en scène, sa réalisation, sa direction artistique sont là pour le prouver. La photographie est soignée, le placement de la caméra, ses mouvements, le cadre, ce qu'elle filme, comment elle le filme, ce qu'elle montre ou ce qu'elle met dans le hors champs font sens dans le récit et sont ouvragés et pensés avec beaucoup de finesse. Je suis face à une réalisatrice qui fait ici montre d'une grande intelligence, qui sait rester en dehors de la démonstration mais qui n'oublie pas ce qui fait cinéma.
J'ai eu peur à un moment de l'utilisation d'un effet de mise en scène qui moi a très vite tendance à me sortir d'un film, voire me le rendre désagréable, c'est la "shaky cam". J'ignore si c'est le terme technique exact, mais c'est cette caméra qui parce qu'on veut me mettre au cœur de l'action, m'immerger avec les personnages dans l'instant, va se mettre à trembler à parfois oublier le point, à se mouvoir comme si elle était anatomiquement partie du personnage. Encore une fois, moi c'est un truc qui m'agace très vite et provoque un inconfort en tant que spectateur qu'il vaut mieux limiter si on veut m'impliquer et gagner mon adhésion critique. Ici cette affèterie est utilisée avec parcimonie, elle sert de ponctuation à deux ou trois scènes, soulignant là aussi le sens de la réalisation qui habite ce film et sa cinéaste.
La rencontre de Bailey avec un jeune homme étrange, énigmatique, en quête d'une hypothétique famille, va constituer le pivot d'une nouvelle narration, dont il ne faut rien dire, tant elle constitue la récompense inattendue et lumineuse d'un récit emprunt jusque là d'une aura de crépuscule. Bird, c'est son nom et il est finalement au delà de l'incarnation du titre, l'allégorie de ce que peut symboliser l'oiseau. La liberté entre autres, mais vous verrez que d'autres symboles lui sont rattachés, comme s'élever pour un point de vue autre que celui qu'on a au sol. Ce personnage fantasque plonge la peinture âpre du social dans une poésie onirique, un fantastique libérateur, absolument charmant.
Film qui dégage beaucoup d'émotions sans jamais tomber dans le pathos, et à divers endroits il aurait été facile de s'y vautrer, d'une très belle facture artistique, brillamment interprété par un trio remarquable. Nykiya ADAMS qui endosse ici son tout premier rôle de cinéma et qui est d'une justesse sidérante, Franz ROGOWSKI confirme son immense talent et Barry KEOGHAN une fois de plus m'impressionne. un film qui en plus de ces qualités que je vous expose se clôt sur une double note d'espoir, l'une adressé à Bailey, l'autre à nous par la dernière action, la dernière parole du père.
Un vrai coup de cœur que ce film qui démontre que plus que le thème ou le genre, c'est dans la mise en scène que naissent les propositions que l'on retient.