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Micro-critique star (EurydiceF) :
EurydiceF
(à propos de Je suis toujours là)
“ C'est si humain, si simple et si beau.
La preuve qu'on peut encore faire des films sans artifices qui se concentrent sur l'essentiel. ”
— EurydiceF
6 octobre 2024
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EurydiceF(à propos de Je suis toujours là)“ C'est si humain, si simple et si beau. La preuve qu'on peut encore faire des films sans artifices qui se concentrent sur l'essentiel. ” — EurydiceF 6 octobre 2024
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raspoutine001(à propos de Je suis toujours là)“ Un acte de décès comme trophée face à la dictature : combattre toujours et ne pas oublier. Portrait d'une femme forte. ” — raspoutine001 15 janvier 2025
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SpectateurLambda(à propos de Je suis toujours là)“ Et dire qu'aujourd'hui certains rêvent d'un état autoritaire en France. Une fin qui ne sait comment conclure mais on est pas loin du 4/5. ” — SpectateurLambda il y a 9 jours
Tandis que de nombreuses démocraties à travers le monde, France incluse, sont traversées d'élans autoritaires. De prises de paroles belliqueuses, de crises profondes tant économiques que de confiances envers les élites, que ces crises font le lit populiste des idéologies les plus réactionnaires. Que s'est installée de façon évidente une peur irrationnelle de l'autre, de l'altérité, le tout conjugué à une tendance infondée au pessimisme, pire au défaitisme, aux discours misérabilistes sur une prétendue décadence morale qui serait la conséquence d'un manque d'autorité et du laxisme ambiant. Le film de Walter SALLES m'apparait être, outre ses qualités filmiques, comme un écho à ces tendances qui agitent et polarisent le débat démocratique actuel.
En effet, même si l'histoire basée sur des faits réels survenus au Brésil durant la dictature militaire des années 70-80, peut à qui n'y prête pas attention relever de l'histoire passée, les éléments de langages qui ont permis l'avènement de tels régimes - et l'Amérique latine a été particulièrement concernée par ces régimes totalitaires de droite, Pinochet au Chili restant l'exemple le plus connu - sont identiques à ceux qu'utilisent aujourd'hui les prétendants à un retour à l'ordre moral, à une politique basée sur l'autoritarisme, au silence des opposants de gré ou de force et devraient au moins nous interroger sur ce retour en force des idéologies odieuses que les historiens n'avaient plus constatées en Europe depuis les années 1930 !
Rio de Janeiro ville cliché pour l'occident de la douceur de vie à la brésilienne, ses plages paradisiaques, les cariocas incarnations ultimes de la beauté humaine, le football comme religion, la musique et la fête comme exorcismes aux duretés d'un pays où règnent de concert l'opulence la plus vulgaire et la misère la plus sombre. Une famille heureuse, typique de la bourgeoisie moyenne y vit sa vie, relativement épargnée par les soubresauts de l'histoire et les soucis économiques, mais pas pour autant aveugle et sourde aux problèmes des autres, des classes populaires. Cette vie est douce, joyeuse, on s'adonne aux plaisirs culturels et on aime débattre et parler. Les enfants, adolescents en pleine mutations hormonales ou les plus jeunes profitant des restes d'innocences qui caractérisent cet âge font des activités variées, la mère veille au grain et le père ne semble pas représenter immédiatement le grain de sable dans les rouages d'une dictature militaire dont on nous révèle la réalité par touches parcimonieuses.
Un contrôle de police musclé effectué sur des jeunes dont les regards apeurés disent tant de ces pratiques, l'incessant ballet des hélicoptères dans le ciel de la ville qui systématiquement se dirigent au large de l'océan - et si pour avoir vécu quelques mois à Rio durant ces années je connaissais la réalité sordide derrière, quand le film l'explique on reste terrorisé -, l'omniprésence de la police militaire et de l'armée, le regard inquiet de la mère quand un camion de soldats débarque. Puis il y a ces appels téléphoniques que reçoit le père, dont on soupçonne une activité sous terraine qu'il mène avec quelques amis de la famille, sans qu'on puisse définir ou deviner les tenants et aboutissants on sent qu'il règne malgré l'ambiance tropicale et solaire, un sentiment de peur diffuse, de conscience d'un danger, de l'impérieuse nécessité de maintenir le secret. Quand le film au détour d'un dialogue finira par nous éclairer de la teneur de cette activité paternelle, on est abasourdi tant cela parait anodin à nos pensées de citoyens libres.
Le père qui est en fait un ancien député de l'opposition de gauche - un bel exemple ici est montré dans le film sur le parallèle avec les discours qu'on subit aujourd'hui en France sur le gauchisme responsale de tous les maux et qu'il faudrait annihiler - est un jour emmené pour un interrogatoire, une déposition d'où il ne reviendra jamais. Ce n'est pas un spoiler, c'est dans la bande annonce et c'est une vérité historique du Brésil. Le film va dès lors s'employer à montrer d'une part le combat d'une famille et d'une femme en particulier pour l'obtention de la vérité, mais aussi à lever le voile sur ces années de plombs qui ont endeuillées et meurtries le pays, des exactions commises par ce régime dont les brésiliens ne pourront s'informer que plus de trente ans après sa chute et qui encore aujourd'hui n'a pas tout dit de ses secrets. La question du sort de nombreux disparus par exemple reste en suspend.
Le film malgré son sujet, ne verse jamais dans le pathos, il est lumineux et Salles retrouve sa verve de metteur en scène, son cadrage et sa réalisation sont exemplaires, mais c'est sans contestation possible les acteurs et actrices du film qui en font une grande œuvre, et si aucun ne m'est apparu en deçà de ses collègues, c'est l'interprétation magistrale, d'une justesse et d'une force rares de Fernanda TORRES qui est à retenir. La photographie est à l'avenant, tout en sobriété et efficacité avec cette touche de poésie et de rythme qui pulsent l'esprit brésilien, la beauté au sommet de l'horreur comme espoir à guider.
Le film n'était vraiment pas loin du 4/5 s'il n'y avait pas eu son refus ou son incapacité à se conclure. En effet alors que l'objectif premier de la famille est atteint que les réponses qu'elle attendait sont données, Salles s'enlise dans une double, voire triple fin qui alourdit son film de façon inutile, car ne rajoutant rien d'essentiel à ce qu'il a montré tout du long.