Jeremiah Johnson de Sydney Pollack : l'Homme face à la Nature
Ancien militaire, dégoûté par la civilisation et la vie qu'il menait jusque là, Jeremiah Johnson décide de partir s'exiler dans les montagnes rocheuses (Colorado), en 1850. Mal préparé aux conditions climatiques et à la vie dans la nature, il rencontre Griffes d'ours, un chasseur de grizzli qui l'initie aux dangers de la vie dans les montagnes. Peu de temps après, il découvre une cabane dont les habitants ont été massacrés par les Indiens. Le seul survivant est un enfant, qu'il emmène avec lui. Il le surnomme Caleb. Ensemble, ils reprennent la route.
Enterré vivant extrait de Jeremiah Johnson
En 1972, cinq mois après la sortie de Delivrance, le mythe du retour à la nature est une nouvelle fois ébranlé par Jeremiah Johnson. Fuyant une civilisation violente, le néo-trappeur se retrouve face à pire encore, l'Homme face à la Nature, la bestialité et la violence, justifiées ici par une morale inconnue du héros, des raisons qui lui sont étrangères. Sans compter la violence inhérente à la nature, la mort qui guette, de froid, de faim ou de solitude. Sam Peckinpah, pressenti au départ pour réaliser le film, avec comme acteur vedette Clint Eastwood (finalement remplacés par Sydney Pollack et Robert Redford), avait lui aussi une année plus tôt porté à l'écran les difficultés du retour aux sources dans Les chiens de paille. La nature est décidément impitoyable.
Hatchet Jack est un corps congelé extrait de Jeremiah Johnson
Mais, comme dans les autres westerns de cette époque (Little Big Man en tête), c'est la civilisation qui est accusée de corrompre la nature. L'Indien et ses coutumes, sont incompris et bafoués. Jeremiah Johnson, humaniste, fait preuve d'empathie face à tous ceux qu'il rencontre. Il épousera même Swan, la fille d'un chef indien achetée contre des scalps. Mais, afin d'aider des militaires, il se retrouve à profaner deux cimetières Crows. La vengeance de la tribu ne se fait pas attendre, et pousse Johnson à une bestialité jamais encore atteinte (sauf à l'armée?). Le roman d'aventure se transforme en drame tragique. « Le scénario de John Milius était déjà empli de la violence du film. Le style général vient de lui, mais la structure narrative s'est surtout déterminée pendant le travail effectué avec Bob [Robert Redford, ndlr] », explique Sidney Pollack.
Vengeance contre les Crows extrait de Jeremiah Johnson
« Je pense qu'il y a quelque chose qu'on retrouve dans tous mes films, c'est la mélancolie », analyse le réalisateur. Pour Robert Redford, il est normal, en 1972, que le mythe d'une Amérique forte revienne de cette façon : « Nous n'avons pas de quoi nous projeter dans le futur, alors nous regardons notre passé ». Film contemplatif, nostalgique, les dialogues sont toujours mesurés, dans le peu de scènes où il y en a. « Personne ne savait ce que ça allait donner après le tournage », explique Pollack. Le montage dure plus de sept mois, où Pollack réussit à mettre en place sa structure narrative, dans un rythme lent mais toujours énergique, ponctué par des face-à-face problématisants.
Il a peur de toi extrait de Jeremiah Johnson