Le Bon Plan : Playtime, le manège de Tati
En 1967, Jacques Tati réalise Playtime, qui reste peut-être le film le plus abouti de sa carrière. Il y reprend le rôle de Monsieur Hulot, toujours aussi clownesque et décalé, trimballant sa silhouette dégingandée dans un univers citadin anonyme, bruyant et grisâtre.
Paradoxalement, c'est ce film qui causa la faillite de sa boîte de production, car la construction du décor, appelé "Tativille", plomba en grande partie le budget. Pourtant, on ne pourra pas dire que Tati ne se serve pas de son décor avec un maximum d'intelligence. Regardez.
Le bon plan - Playtime par lebonplanlemission
Hulot, sur le trottoir, a aperçu un vieux camarade au volant de sa camionnette. La camionnette tourne à gauche, Hulot veut la suivre, et traverse donc la rue à sa suite. Vous n'avez rien remarqué ? Lorsqu'Hulot traverse, il se retrouve exactement au même endroit que là d'où il était parti. Evidemment, la fleuriste a disparu pour faire croire à un nouveau carrefour, mais c'est bien le même. Par ailleurs, le groupe de touristes qui se trouvait à ses côtés au début traverse bien derrière lui, pour faciliter ce raccord dans la tête du spectateur.
Ici, regardez ce bus. Il démarre, puis repasse... exactement au même endroit. A la fin du film, Hulot se retrouve à la soirée d'ouverture d'un grand restaurant, où il sympathise avec une jeune touriste. Remarquez que c'est toujours le même carrefour qui est utilisé, les bureaux ayant été remplacés par le restaurant, à gauche du cadre.
Au petit matin, ils vont boire un café au Drugstore, à la gauche duquel on voit clairement ici qu'il n'y a aucun magasin.
Pourtant, lorsqu'ils en sortent un peu plus tard, regardez ce que le passage de cette camionnette nous révèle : un grand magasin, plein de stands colorés. Bien sûr, si Tati utilise un cut au démarrage de la camionnette au lieu de faire un seul panoramique fluide, c'est peut-être qu'au moment de ce premier plan, le décor du grand magasin n'était pas encore installé !
Mais on peut aussi penser qu'à l'inverse des deux premières séquences, qui n'étaient que des astuces mises en place pour des raisons pratiques, Tati assume cette fois totalement son jeu avec le décor. En effet, rien ne l'empêchait d'installer le décor du magasin avant, et faire un panoramique non coupé sur le démarrage de la camionnette. Au lieu de ça, il fait apparaître comme par magie ce grand magasin coloré, vivant ; on peut y voir une métaphore de la transformation qu'Hulot a fait subir à la ville : bureaux remplacés par des drugstores, couleurs venant rompre la monotonie du gris, amourette avec la jeune touriste qui semble rouvrir pour tous les portes d'une communication humaine chaleureuse, jusqu'ici hermétiquement fermées.
Alors, contrainte technique ou choix astucieux ? A vous de voir. Toujours est-il qu'avec Tati, le manège est si bien orchestré qu'on ne se lasse jamais d'en refaire un tour.
Un bon plan, ça se partage... pensez à en faire profiter vos amis !
En partenariat avec Les fiches du cinéma.
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sadoldpunk1 février 2013 Voir la discussion...
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LuxLucis1 février 2013 Voir la discussion...
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bargeot4 février 2013 Voir la discussion...
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jean_pierre14 mars 2015 Voir la discussion...
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bargeot3 mai 2016 Voir la discussion...