Fais comme l'oiseau : les volatiles au cinéma
Mignon mais peu éloquent dans la vie réelle, au cinéma, l'oiseau n'a rien à envier aux autres animaux en terme d'expressivité. Hautement symbolique, incarnation de l'esprit rêveur en quête de liberté ou métaphore d'une fragilité qui mérite d'être exprimée, dans les films, le volatile incarne systématiquement les aspirations les plus secrètes des personnages auxquels il est confronté. La preuve en images.
L'enfant et l'oiseau de Little Bird, un fim de Boudewijn Koole
Little Bird : un transfert affectif...
Sorti mercredi 21 novembre, Little Bird raconte l'histoire de Jojo un jeune garçon qui recueille chez lui un petit choucas. Elevé uniquement par son père, sa mère, chanteuse country étant parti alors qu'il était petit, Jojo est particulièrement réceptif au rapport de filiation qui né entre lui et son nouveau compagnon. L'oisillon prend Jojo pour sa mère nourricière (ce qui inquiète le père) et Jojo le lui rend bien, lui faisant écouter les disques de celle qui l'a abandonné. Simultanément, un double transfert s'opère.
Le choucas permet à Jojo de combler ce vide affectif et la souffrance qu'il ressent depuis toujours : celle d'avoir grandit sans l'affection de sa mère.
L'oiseau : se réadapter aux autres...
Même combat pour Sandrine Kiberlain, qui trouve son salut en apprivoisant un volatile, dans le film de Yves Caumont, L'oiseau. L'actrice incarne une jeune femme très solitaire, vivant recluse dans son appartement. L'oiseau va s'immiscer dans sa vie et lui donner un prétexte pour sortir de sa torpeur. La taille modeste du volatile (un pigeon) renforce le côté hasardeux de l'engagement qui se tisse entre elle et l'animal.
La jeune femme et l'oiseau, extrait de L'Oiseau
Elle qui ne veut plus échanger de relations sociales avec personne, qui dénigre ses amis, se laisse agréablement surprendre par cette soudaine présence, entrée par mégarde dans sa bulle protectrice.
Le ruban blanc : se défendre, se venger...
D'ailleurs, qui n'a jamais recueilli un petit moineau blessé ? Dans Le Ruban blanc, lorsque le jeune fils du pasteur apporte à son père le petit oiseau qu'il vient de trouver, un dialogue de sourd s'engage. Tandis que l'un perçoit dans la situation le moyen d'obtenir et d'offrir un peu d'affection, l'autre y voit l'occasion d'un travail pratique, visant à responsabiliser son jeune fils, qu'il élève à la dure...
L'oiseau Blessé, extrait de Le Ruban blanc
Lui-même amateur de volatile, le pasteur possède une perruche en cage dans son bureau. Les deux oiseaux ressemblent à leurs maîtres. L'un, libre, mais fragile et innocent, nécessitant de l'affection et du soin. L'autre, en cage et domestiqué, comme peut l'être le pasteur, pétrit de velléités moralistes et autoritaires, imposant un style de vie ultra rigoriste à ses enfants et à lui-même.
Cette opposition entre les conditions des deux volatiles peut résumer l'idée essentielle du film : le petit oisillon survivra tandis que le pasteur retrouvera un peu plus tard sa petite perruche crucifiée avec un ciseau. Un méfait qui s'ajoutera aux multiples crimes mystérieux qui se déroulent au sein du village. Les destins des deux oiseaux s'alignent sur ceux des enfants et des adultes, le meurtre de la perruche est le premier élément du film qui dénoue le mystère de cette vague de violence qui touche cette communauté autrichienne campagnarde de l'entre-deux-guerres, mise en scène par Michael Haneke.
Kes : se valoriser, reprendre confiance en soi...
Qui n'a jamais rêver se promener avec un rapace sur l'épaule ou en bout de bras ? Dans Kes de Ken Loach, le jeune Billy domestique un joli faucon, grâce à un vieux manuel de dressage volé dans une bibliothèque. Une opportunité qui tombe à pic pour ce jeune garçon en échec scolaire, mal aimé par sa famille et dénigré par son frère. Enfin valorisé pour quelque chose, Billy se découvre une vocation. Mais un compétence exceptionnelle attise toujours de la jalousie. Attention aux représailles...
Les amants du nouveau monde : s'évader, se perdre dans la nature...
Car oui, la liberté a toujours un prix. Engoncée dans un corset, embourbée dans l'effrayant fanatisme puritain d'une communauté mormone au XVIIIe siècle, la pauvre Hester (incarnée par Demi Moore) dans Les Amants du nouveau monde de Roland Joffé, a bien besoin d'oublier son triste destin de femme délaissée. Un petit oiseau rouge lui redonne foi... et l'emmène tout droit dans les bras d'un homme nu se baignant dans une rivière... Cet avant-goût de liberté sera très vite remplacé par un autre symbole tout aussi rouge : la lettre "A" que Hester devra porter sur ses robes face à toute sa communauté : un "A" qui veut dire adultère.
La beauté de la nature, extrait de Les Amants du Nouveau monde
Les oiseaux : tomber amoureuse...
Même retour de bâton pour le personnage de Tippi Hedren dans Les Oiseaux d'Alfred Hitchcock : Marion tombe également amoureuse grâce à un couple d'inséparables, et c'est parce qu'elle souhaite ramener les volatiles à Mitch rencontré dans une animalerie, qu'elle se retrouve à Bodega beach, une station balnéaire de la côte Ouest des États-Unis. Mauvaise idée, sa délicate (et intéressée) attention lui coutera quelques touffes de cheveux et une sacré frayeur. Ces inséparables incarnent ce que appelait Hitchcock le Macguffin. Ils constituent l'élément déclencheur de la trame du film, le motif qui lance l'action, un prétexte qui sert à appâter le spectateur, et à le mener au coeur de l'histoire. Le film démarre comme une histoire d'amour, et glisse soudainement en film d'épouvante. C'est précisément lorsque Marion traverse la baie en bateau à moteur après avoir déposé les inséparables que le transfert s'opère : une mouette plonge dans la chevelure de Marion.
La mouette tueuse, extrait de Les Oiseaux
Lorsqu'elle se retrouve à quai, plus personne ne pense au couple d'oiseau (la raison de sa venue) et aux intentions sentimentales de Marion. L'histoire bascule soudainement vers un huit-clos insulaire stressant. Toutefois, les multiples attaques des oiseaux permettront à Marion et à Mitch d'accélérer ce processus de séduction qu'ils ont entamé à San Francisco, un contexte riche en émotions fortes étant un terrain idéal pour tomber amoureux...
Harry Potter et la chambre des sorciers : trouver sa personnalité cachée...
Parfois, l'oiseau fait corps avec son maître. Il est un outil, un bras armé, un accessoire incontournable. C'est le cas d'Hedwige d'Harry Potter, sa chouette magiquement apprivoisée. Dans l'école des sorciers, bien avant que le jeune Harry trouve sa baguette et qu'on lui donne un balai, il reçoit comme cadeau une chouette, comme tous les autres sorciers. C'est le premier élément qui fait prendre conscience au jeune héros son extraordinaire condition.
La voie 9 3/4, extrait de Harry Potter à l'école des sorciers
Mon oncle : se divertir coûte que coûte...
Enfin, pour terminer, au cinéma, il n'y a pas que des personnages dramatiques, épris de liberté, cherchant à s'émanciper d'une difficile condition. Lorsqu'un oiseau croise le chemin de Jacques Tati, voici ce qui se passe... Ici aussi, c'est bien la nature profonde du personnage de Mon oncle que le volatile stimule : celle d'un grand enfant devant l'éternel...
L'oiseau, extrait de Mon oncle