Pourquoi les actrices françaises font-elles toujours la gueule ?
Sérieusement, vous n'avez jamais remarqué que nos talentueuses actrices françaises ont tendance à faire tout le temps la gueule ? Indépendamment de leurs talents et charmes respectifs, auriez-vous envie d'aller en boîte avec Léa Seydoux ? De jouer au Pictionnary avec Mélanie Thierry ? D'aller à la fête foraine avec Lola Créton ? Tout porte à croire que le cinéma germanopratin (dieu que ce mot est laid) s'évertue à privilégier un certain type de jeunes filles qui font admirablement la gueule à la caméra.
On pourrait esquisser une véritable tradition française de la moue boudeuse, pratiquée par d'illustres et obsédantes minaudeuses ; une tradition qui irait, pour le dire vite, de Brigitte Bardot et Anna Karina («...j'sais pas quoi faiiiiire») jusqu'à Léa Seydoux en passant par Catherine Deneuve, Béatrice Dalle, etc. A croire qu'être dotée de lèvres charnues et sensuelles prédispose ces dames à garder la mâchoire bien fermée.
Tu boudes ? Pourquoi tu boudes ?
Dans cette scène de fourgon de flics, typiquement, « la » Béart a sans doute de bonnes raisons de ne pas faire la conversation au prostitué qui lui tient compagnie, mais toujours est-il qu'avec ce rouge à lèvre éclatant et cette perruque annakarinesque, elle compose une formidable jeune fille frondeuse et butée.
Et ces dernières années, la nouvelle génération d'actrices, candidates potentielles au Prix Romy Schneider, marchent clairement dans les pas de leurs glorieuses aînées. Si vous essayez de vous souvenir des filles de L'Apollonide, de Lola Créton dans En Ville ou Un Amour de jeunesse, de Léa Seydoux dans La Belle personne ou Belle Epine, de Laura Smet dans La Frontière de l'aube, il y a peu de chance pour que la première image qui vous vienne d'elles soit illuminée par un sourire radieux. Au mieux récolterez-vous un petit sourire en coin qui en dit long sans trop en dire. Bien malin qui saurait deviner ce qu'elles cachent derrière leurs tristes mines. Leur jeu ? Leurs déceptions ? Leurs sentiments ? Leurs rêves ? Leur désir d'évasion ? Probablement un peu de tout ça...
Quelle logique, quelle psychologie des personnages sous-tend cette tendance lourde ? On pourrait dire d'abord : plus la femme est taiseuse, plus elle est mystérieuse, profonde et complexe ; ou encore : plus elle fait la gueule, plus elle paraît inaccessible, libre et indépendante. Ainsi, elles semblent nées pour faire tourner en bourrique les hommes qui leur courent inévitablement après suivant la théorie bien connue des essuie-glace exposée dans Les Baisers de secours de Garrel senior. Elles ont beau avoir parfois la gentillesse de prévenir, telle Léa dans Petit Tailleur de Garrel junior, ça marche à tous les coups.
De l'enfant qu'elles étaient il n'y a pas si longtemps, elles ont gardé un peu d'arrogance capricieuse ; et de la femme qu'elles sont devenues, elles ont adopté la pose désillusionnée et mélancolique, comme si l'amour était pour elles un événement inéluctablement malheureux et qui pose nécessairement la question du suicide. Leur jeu, leur apparence et leur style conviennent parfaitement aux mélodrames amoureux dont le cinéma français s'est fait une spécialité.
Moue française vs Sourire américain
De l'autre côté de l'Atlantique, c'est un autre type d'actrices qui tient le haut du pavé. De la jeune première américaine, telle qu'on nous la présente dans les comédies hollywoodiennes, on garde l'image de jeunes femmes à la plastique idéale : traits et formes bien proportionnés, arborant une dentition impeccablement blanchie et bien alignée (le fameux « sourire Colgate » à la Julia Roberts, Cameron Diaz ou Anne Hathaway). L'average american star est plutôt sportive, dynamique, spontanée, pimpante... souriante. Et ces codes, entre la bimbo et la prom queen, sont allègrement célébrés, revisités, détournés, moqués, dans moult comédies, de Scary Movie à La Revanche d'une blonde.
Les aspérités sont gommées, lissées, uniformisant quelque peu le charme et le caractère de ces filles produites et élevées en batterie sur Disney Channel ou dans les cours de l'Actor's Studio. Là où les formes des actrices américaines semblent modelées à base de lignes droites et minces, franches et directes, taillant les contours de corps tonifiés à grands renforts de gym suédoise, celles des françaises suivent plus facilement des courbes renoiriennes. Issues de la culture hédoniste des déjeuners sur l'herbe, elles arborent lascivement ces formes ondulées pour mieux faire oublier combien elle peuvent s'avérer tortueuses...
Seydoux, Cotillard... La French Girl, un produit d'exportation très prisé
Si certains réalisateurs américains ont embauché Marion Cotillard ou Léa Seydoux pour les faire jouer dans leurs blockbusters, on peut supposer qu'ils venaient en France chercher la petit touche de mystère et de charme langoureux qui manquait à des films particulièrement secs et nerveux. A l'évidence, la greffe est délicate à prendre sans un chirurgien attentif pour manier le bistouri-caméra. Même le grand casteur Tarantino s'est planté avec Mélanie Laurent qui livre dans Inglourious Basterds la pire performance d'actrice de toute la filmographie du cinéaste culte. Dans un autre genre, Léa Seydoux ne dégage absolument rien dans Mission : Impossible 4. Trop affairée à avoir l'air crédible en femme d'action, elle en oublie de jouer franchement la carte de la séduction désinvolte qu'elle maîtrise pourtant à la perfection. Quant à Marion Cotillard, bientôt chez James Gray (Low Life) et Christopher Nolan (The Dark Knight Rises), elle s'en sortait à peine mieux dans Inception en femme amoureuse du beau Leo. La faute à des rôles secondaires simplistes et absolument dénués d'ambiguïté, ce qui cantonne nos actrices exportées à des opérations « séduction » qui tournent à la figuration « plante verte ».
A cette tendance-là, Bérénice Béjo offre un contre-exemple parfait : non seulement elle a ce sourire Colgate typique des actrices américaines, mais en plus, elle a su le mettre à profit pour mettre Hollywood à ses pieds dans un film français qui en pastiche la glorieuse histoire... Pas mal, non ? Surtout pour une actrice qu'on jugeait jusque-là plutôt insipide et peu demandée. Talentueuse ou pas, Mme Hazanavicius fait le bonheur des plateaux TV outre-atlantique en racontant qu'elle a couché avec le réalisateur pour avoir le rôle, sans jamais se départir de son étincelant étalage de quenottes, cela va de soi.
Mais le reste du temps, le cinéma français, et plus précisément le cinéma d'auteur, donne l'impression de se complaire un peu dans cette représentation de la femme languide et revêche, ou en tout cas d'entretenir l'image de « La Française » telle qu'elle est fantasmée par le reste du monde et déformée, caricaturée dans les publicités de parfum où les clichés de la belle romantique parisienne font encore office de juteux fond de commerce.
Alors mesdames les actrices, nous ne vous demanderons même pas un baiser, comme Emmanuel Mouret, non, juste un p'tit sourire !
Images : © Haut et Court / Columbia TriStar Films
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