Air Cinema : la fin des souvenirs en VF
Cet été, Vodkaster vous propose de découvrir Air Cinema : une série de programmes courts et décalés donnant une folle seconde vie aux films cultes et à leurs inoubliables VF. Un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui aiment les films et les moustaches. Cette semaine, le film mystère. Retrouvez le titre du film original et rendez-vous sur la page Facebook d'Air Cinéma pour participer !
Et voilà ! L'été n'en a plus pour longtemps, et c'en est terminé de la série Air Cinéma. À cette occasion, rendez-vous sur la Fan Page de Air Cinéma pour tenter de gagner une petit surprise autour de cet épisode mystère.
De notre côté, profitons-en pour faire le point sur ces quelques semaines de détournement (dont tous les numéros sont disponibles ici) et de s'interroger sur l'évolution de notre rapport à la VF.
« Vilain hobbit joufflu ! »
Familier du concept réjouissant de la team Air Cinéma et de ses sympathiques détournements basés sur la VF de films cultes, j'étais naturellement tout jouasse d'embarquer dans la romance estivale entre Vodkaster et ces loustics à moustaches. Sans trop savoir vers quelle direction partir au début (et à la fin aussi, certes), je ne suis pas trop mécontent du résultat. Le simple fait d'avoir fait croire à certains qu'il existe une fin alternative chelou à Titanic ou un sous-texte homophobe à Independence Day m'a assez réjoui, tout comme l'exploration plus ou moins véridique de certains pans de la pop culture ciné.
Au cours de ces deux mois et demi de chronique hebdo, une chose relativement évidente (mais à laquelle on prête relativement peu attention, finalement) m'a sauté aux yeux, ou plutôt aux oreilles : la perte de vitesse progressive de la version française pour toute une génération de cinéphiles. Attention, il n'est pas question de faire ici la nécrologie de la VF qui a encore de bonnes heures (« bonnes » étant ici dénué de toute considération qualitative) devant elle. Mais son état de grâce est à mon sens bien révolu, et Air Cinéma en a apporté à mon sens une preuve avec sa fournée estivale : le film le plus récent de la série est en effet le premier volet du Seigneur des Anneaux, sorti en 2001. Peut-être l'un des derniers blockbusters de l'ère pré-téléchargement massif - même si, à sa sortie, la pratique n'était déjà plus l'apanage d'un microcosme geek suréquipé.
L'exemple Batman
On pourrait me répondre que Air Cinéma a fait un choix éditorial en préférant Die Hard et L'Arme fatale à Transformers ou La Mémoire dans la peau. Que mon ressenti du déclin (encore une fois, du strict point de vue de l'impact culturel et mémoriel) de la VF n'est que subjectif, et que dans dix ans, les trentenaires réciteront par coeur des dialogues français d'Inception, Very Bad Trip ou Twilight. Rien n'est mois sûr, à mon avis. Prenons un exemple concret à base de chauve-souris. En 1989, j'ai cinq ans et découvre mon premier film en salle hors Disney, le Batman de Burton. Gros choc, bien entendu en VF vu mon âge - mais même avec 15 ans de plus, à moins de vivre à Paris, j'aurais sans doute eu du mal pour le voir en VO à la fin des 90's. Je l'ai revu des dizaines de fois en VHS par la suite, toujours en VF donc, puis en salle lors de rétrospectives et en DVD, ces fois-ci in english. Sans surprise, VO ou pas, rien ne m'ôtera de la tête le « as-tu déjà dansé avec le diable au clair de lune ? » du Joker dans son doublage français.
Sautons une demi-génération et retrouvons le Joker version Nolan dans The Dark Knight. Quelle est sa « phrase choc » ? Dur d'en trouver une plus emblématique que le fameux « why so serious ? ». Pas sûr que les spectateurs qui ont découvert The Dark Knight, même à 8 ou 10 ans, se souviendront d'un hypothétique « pourquoi si sérieux ? ». Le marketing viral du film a abreuvé la toile de ces trois mots des mois avant la sortie du film, les pré-posters en faisaient leur mantra impossible à ignorer - même si la mort de Ledger a hélas remis le sérieux au goût du jour avant la sortie du film. Quant à The Dark Knight Rises, généralisation de la projection numérique oblige, de nombreux cinémas de France ont systématiquement proposé des séances en VO lors de sa sortie en juillet dernier.
© Warner Bros. Pictures
La VF sinistrée
Rien n'empêche désormais en effet les exploitants de proposer la VO à leurs spectateurs sans avoir à recevoir physiquement des copies supplémentaires. Si voir de « gros films » en VO n'est pas toujours chose aisée (la directrice du Gaumont Nantes m'expliquait récemment dans un mail que ces choses sont gérées en accord avec les distributeurs souvent frileux en la matière), la tendance est nettement à l'amélioration depuis plusieurs années. Même à la télévision le pas devrait être franchi puisque les très retardataires chaînes de France Télévisions devraient enfin proposer les versions multilingues sur certains programmes prochainement. A cela s'ajoute les tourments économiques (et artistiques ?) du secteur du doublage en France, dont Libération se faisait écho l'été dernier : on apprenait ainsi que les doublages de séries étaient de plus en plus produits en Belgique, moins cher qu'en France.
Abed en mode Dark Knight dans Community
Puisqu'on fait une aparté télévisuelle, signalons encore une fois la prédominance de la VO accentuée par l'appétit des spectateurs français qui ne rechignent plus à lire des sous-titres, qu'ils soient téléchargeurs illégaux ou clients honnêtes (donc fortunés !) d'épisodes « en direct des USA » proposés par des plateformes VOD comme MyTF1 ou M6 VOD. Dans le cas d'une série culte comme Community dont on attend pour bientôt la quatrième saison, il faut savoir que ce bijou comique n'a jamais été diffusé sur une chaîne française ou distribué en DVD par chez nous. Conséquence de ces incompréhensibles quatre ans de boycott : il n'existe aucun doublage français de la chose, même sur les DVD canadiens. Pas de quoi empêcher la série de jouir d'une excellente réputation auprès du public français - 4 étoiles sur 5 de moyenne pour les notes Allociné.
Encore une fois, gardons-nous de prendre pour argent comptant ces impressions qui, bien qu'étayées par les évolutions technologiques et culturelles, ne tiennent peut-être que de la théorie bancale de CSP+ cinéphage, ce genre de mecs prêts à dauber sur la durée et le nombre aberrants des bandes annonces alors que 99% du grand public n'en a vraiment rien à foutre. J'espérais même pouvoir m'auto-contredire après avoir découvert en VF (faute de choix) Expendables 2 et son cortège de voix françaises bien connues. Hélas, la traduction si pauvre des dialogues déjà pas extraordinaires à la base n'a fait que renforcer mon avis sur l'inexorable perte de valeur de la VF. Après la séance, j'avais souhaité découvrir Moi, député, avant de réaliser qu'aucune séance en VO n'était proposée dans mon cinoche de province. Too bad, I'll wait for the DVD.
Bien sûr pour ceux qui squattent le net incollables sur les memes et regardant les séries le lendemain de la diffusion US, c'est une autre histoire.