Le Bon Plan : mais où est passé le contre-champ?
Chaque semaine, Le Bon Plan analyse les bonnes idées de cinéma. Aujourd'hui, nous nous penchons sur une scène de Hors Satan, le film de Bruno Dumont.
Au cinéma, un regard est toujours dirigé vers quelque chose ou quelqu'un : là où la photographie laisse planer le mystère du contrechamp, le cinéma explicite la plupart du temps l'objet de l'attention du personnage.
Avec Hors Satan, Bruno Dumont prend des libertés par rapport à ce codage on ne peut plus balisé du langage cinématographique. Dans cette scène, l'homme regarde la femme parler aux policiers. Il détourne les yeux sur sa droite, presque dans la direction de la caméra. On s'attend à ce que le plan suivant nous révèle ce qui a attiré son attention, mais il n'en est rien. On revient sur les policiers. Nouveau gros plan sur le personnage, qui détourne une deuxième fois les yeux dans notre direction, de façon plus prononcée encore. Dans le plan suivant, la femme le rejoint et ils s'en vont. On ne saura jamais ce que l'homme a regardé et on ressent une immédiate frustration conséquente à l'absence du contre-champ attendu, une curiosité qui ne sera jamais comblée. De plus, ce regard insistant est presque un regard caméra, c'est-à-dire un regard adressé au spectateur, ce qui a toujours pour résultat de provoquer chez celui-ci un certain malaise : jusque là extérieur au récit, il y est brusquement convoqué, par ce regard qui semble le prendre a parti. "Aurais-je quelque chose à voir avec tout cela?", se demande-t-il.
Ce plan accentue le mystère qui enveloppe le personnage durant tout le film : on sait de lui qu'il est mutique, souvent plongé dans des pensées impénétrables, particulièrement sensible à la nature qui l'entoure... Il semble donc assez normal de ne pas expliciter l'ensemble de ses pensées. D'ailleurs, dans la vie, quand on parle avec quelqu'un, son regard ne cesse de quitter le notre pour se promener sur le décor autour de nous... Pourtant, on ne se retourne pas à chaque fois pour "voir ce qu'il voit".
C'est une belle idée, rarement formulée au cinéma, de penser que les personnages ont un univers intérieur qui échappe au regard du spectateur. Le fait qu'ils gardent certaines choses pour eux leur confère une intimité qui les rend proches et particulièrement attachants.
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Nairwolf19 novembre 2014 Voir la discussion...
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jolafrite20 novembre 2014 Voir la discussion...
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cath4420 novembre 2014 Voir la discussion...
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Cheshire20 novembre 2014 Voir la discussion...
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MaxiPatate21 novembre 2014 Voir la discussion...
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bargeot21 novembre 2014 Voir la discussion...
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MaxiPatate21 novembre 2014 Voir la discussion...
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Marin24 novembre 2014 Voir la discussion...
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bargeot24 novembre 2014 Voir la discussion...
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bargeot3 mai 2016 Voir la discussion...