Mon 1er festival de Cannes : attentes et craintes d'un puceau de la Croisette
L'ouverture du Festival de Cannes 2013 est imminente et les inévitables articles de conseils/astuces/prédictions signés par de vieux briscards de l'événement s'enchaînent. Si c'est ce que vous cherchez ici, passez votre chemin car pour ma part, j'avoue être 100% puceau de Cannes, cette 66e édition marquant ma première venue dans ce patelin des Alpes-Maritimes.
A défaut d'anecdotes cools, de bons plans et même de pronostics, j'ai tout de même mon petit lot d'espérances et d'angoisses concernant ce grand raout, que j'entends partager ici avec l'aide de quelques GIF de Palmes d'Or, histoire d'attirer vos yeux fatigués sur ma prose d'ingénu.
Les attentes
M'incruster incognito aux séances du Marché du film
Pendant des années - et encore parfois aujourd'hui - ma lecture du Mad Movies estival démarrait systématiquement par les pages spécial Cannes, où les rédacteurs évoquaient les perles de séries B dénichées au Marché du Film. L'attrait et le mystère autour du Marché s'est un peu dissipé à mes yeux depuis, peut-être parce les films qui y sont présentés n'ont plus l'aura «introuvable» d'antan, net oblige. Ceci dit, je paierais cher (façon de parler, hein) pour assister aux séances de certains films plus ou moins improbables en quête de distributeurs. Ces projections sont d'ailleurs souvent réservées aux professionnels et non à la presse, et c'est pourquoi je me suis commandé 400 fausses cartes de visites histoire de passer pour un distributeur moldave. Une méthode déjà éprouvée moult fois par ce coquin de Lloyd Kaufman, qu'on aura l'occasion de croiser sur place.
Ecouter l'opinion de pros ivres morts sur l'avenir de la Hadopi
Dans le genre «la politique s'incruste à Cannes», le festival a été servi récemment avec le coup du zizi-panpan strauss-khanien qui avait totalement occulté l'édition 2011, puis en 2012 avec l'élection toute fraîche de Hollande. Cette année, c'est la remise - comme par hasard deux jours avant le début du festival - du rapport de la Commission Lescure qui va sans doute faire faire jaser le microcosme cannois (du moins les frenchies) sachant que l'avenir de la Hadopi y semble plutôt compromis, et le secteur ciné voué à accélérer sa mutation numérique.
A vrai dire, je m'en fout de savoir ce que pensent les producteurs, distributeurs, diffuseurs, acteurs et réalisateurs de la Hadopi : vu son efficacité, on peut se douter que leur opinion sur la chose n'est guère favorable. Ce qui me titille d'avance, en revanche, c'est de tendre l'oreille entre deux pince-fesses et de percevoir chez certains pros français une prise de conscience, celle des changements radicaux qui leur pend au nez (l'inévitable refonte de la chronologie des médias, du financement, etc).
Après, si ça se trouve, on s'excite pour que dalle : peut-être qu'autour d'un godet ou entre deux films, les pros préféreront causer des boobs de Nabilla ou du dernier Daft Punk ou, plus funky encore, des négociations de la convention collective cinéma.
Tester l'ambiance des soirées cannoises
Chaque festival dispose de son lot d'habitués qui aiment la jouer ancien combattant désabusé avec la ritournelle «c'était mieux avant, tsé» en permanence sur les lèvres. C'est le cas pour Cannes concernant (parfois) les films, mais aussi (souvent) pour les soirées. En ce qui me concerne, étant innocent en matière de bacchanales sudistes, le moindre apéro Ricard-noix de cajou sur un parking Auchan aux abords du Palais des festivals suffira à me contenter. Ceci étant dit, soyons clairs : si l'occasion d'aller faire la teuf avec Emma Watson se présente, je n'hésiterai pas à commettre l'irréparable, comme frapper jusqu'au sang une femme enceinte ou dire du bien d'un film de Sofia Coppola.
Retrouver la boule de plasma constituant l'étoile de notre système planétaire, communément appelée «Soleil»
Le paramètre météorologique peut sembler totalement accessoire, d'autant que jusqu'à preuve du contraire (et Cinéma de la Plage mis à part), les projections n'ont pas lieu en plein air. Néanmoins, il serait totalement faux cul de ma part de faire comme si je n'attendais rien de la réputation ensoleillée de la Côte d'Azur, surtout avec le temps merdique que l'Hexagone se fade depuis une plombe. En cas de farniente indécent, j'aurai évidemment une pensée émue pour les malheureux de Dijon encore occupés à éponger leurs salons inondés et sans doute attristés d'avoir perdu dans les dégâts leur intégrale de Fast & Furious.
Pour info, ces enflures de Météo France prévoient des «pluies localement orageuses» sur Cannes pour les trois premiers jours du festival.
Les craintes
Faire une indigestion de films et ne rien apprécier
Comme tous les festivals de cette envergure, le planning des projections est source de dilemmes cornéliens. Ne vaudrait-il pas mieux préférer cet obscur film asiatique sans distributeur au dernier dernier Nicolas Winding Refn qui sort partout le jour de sa projo cannoise ? Voilà le genre de choix déchirant qui se présenteront à nous et qui feraient sûrement bien marrer un salarié des haut-fourneaux de Florange s'il en restait. Sans parler du fait que l'accréditation ne garantit pas l'accès à la salle, affluence oblige.
Et quand bien même on arriverait à voir tous les films espérés, reste la question de l'appréciation, de la «digestion» cinématographique : enchaîner des films de la même «famille» (genre les Harold & Kumar, les Retour vers le futur ou la trilogie Trois Couleurs de Kieslowski), passe encore. C'est d'ailleurs ce qui explique le boom du binge-watching en matière de séries TV, avec ces épisodes enfilés à la suite. Mais enchaîner tout et n'importe quoi, passant de la future Palme au prochain direct-to-NRJ 12 (pour ceux qui traîneront au Marché du film), c'est déjà une autre affaire.
Pour tout dire, on comprend mieux ces camarades journalistes qui se la coulent peinard chez eux avec des DVD presse pour chroniquer un festival : faut avouer que c'est sans doute moins crevant.
Découvrir le coût de la vie Cannois
C'est la crise, c'est le sud, et ce que j'ai entendu jusqu'à présent sur les tarifs en vigueur à Cannes pendant le Festival a failli motiver un coup de fil à Cofidis. Heureusement, on peut compter sur les conseils des habitués et sur l'ingéniosité des locaux, à l'image de ce camarade autochtone qui me confiait récemment par mail : «Y'a pas de madeleine mais y'a de l'eau et du café gratos à l'espace presse. Y'a une poubelle à l'angle nord-est du palais qui contient parfois quelques carcasses de poulet bien chouettes aussi.» Encore merci à lui !
Passer (encore plus que d'habitude) pour un gros connard sur Twitter
Dans le temps, c'était simple, pour suivre le festival en pseudo-direct, on se contentait de Canal+. L'avènement des réseaux sociaux et en particulier de Twitter a tout chamboulé, mettant en exergue l'omniprésence sur la Croisette de branleurs plus intéressés par la vodka-Redbull que par Weerasethakul - même si les deux ne sont pas incompatibles, d'autant que les cinéphiles sérieux sont parfois plus insupportables que les fêtards en matière de micro-blogging.
Ulcérée par ce personal branling incessant (et peut-être un brin jalouse aussi, hein), la majeure partie de la twittosphère française a donc pris en grippe au fil des ans les heureux élus en goguette, décrétant une sorte de charia numérique à vous faire passer l'envie d'inclure le mot Cannes dans un tweet.
Plusieurs solutions s'offrent à nous pour passer entre les gouttes de bile :
- Le mutisme, façon voeu de silence monacal. Compliqué mais pourquoi pas, ça permet d'économiser de la batterie de smartphone pour rester au parfum des soirées.
- Opter pour un running-gag monomaniaque, comme ne tweeter que des images de chiottes de bars ou que des messages en latin ou uniquement à base de rébus tout pourris.
- Le coup du contre-pied, en causant de tout sauf de cinéma - un postulat en apparence cool mais aussi détestable que déjà vu.
Cette recherche de l'originalité à tout prix peut rapidement faire perdre pied : obsédé par l'envie de proposer un truc différent, j'ai sincèrement envisagé de passer l'intégralité de mon séjour à Cannes enfermé dans un appartement à mater toute la filmographie de Jason Statham. Par conformisme et lâcheté, j'ai cependant abandonné cette option - sauf si la greffe cannoise ne prend vraiment pas, ce qui serait quand même bien dommage.
Et surtout, quand tu redescendras les Marches avec ton beau smoking tout neuf, dans lequel tu ressembles tant à James Bond, et après qu'une nuée de photographes munis d'objectifs de 15 mètres de long te feront croire (crépitements de flashs inclus) que tu es VRAIMENT 007, franchement, dis-moi, auras-tu vraiment envie de te taper un Kebab ?
J'ai dû louper un épisode parce que le liquide que j'achetais à l'époque était très cher... :)
Évidemment, si tu fais tes courses au Franprix et que tu fais la fête chez toi, ok.